mercredi 25 avril 2012

Hellbats – Kiss Your World Good Bye

Un maxi sous forme de charnière pour les Hellbats qui une fois encore changent leur formule, mais – et ce doit être encore la preuve avec ces 4 nouveaux titres - à aucun moment leur état d'esprit. En ce sens, peut-être doit-on comprendre le titre de ce maxi 45 tours format 12" – Kiss Your World Goodbye – comme celui d'une énième renaissance pour un groupe dont l'alternance des (contre-)bassistes aura jalonné toute l'histoire. Ici, c'est presque d'un retour aux sources dont il s'agit; Blondo, un Astro Zombie, reprenant la place originelle d'Elek'Nick à la contrebasse, à qui avait ensuite succédé à la basse Nasty Samy et Adrien, ce dernier emmenant les Hellbats dans des territoires où leur heavy rock se trouvait finalement très à l'aise dans une lourdeur qu'on ne soupçonnait peut-être pas possible sur les premiers enregistrements du groupe. Il est indiscutable que les Hellbats ont pleinement su tirer partie de chacune de leur nombreuses formations, chaque période, chaque album ayant laissé sa trace sur le suivant, et dans cette idée, ce nouvel effort présente encore une fois des titres dont la hargne et l'engagement trouvent grâce et appui dans le passé. Ainsi, s'il n'y a donc peut-être plus de basse, et si l'on peut s'attendre à un côté naturellement moins lourd et moins gras que sur One Minute Suicide, l'album de 2010, Dieu que ce nouveau disque, toujours enregistré chez Francis Caste, sue à grand sauts et présente une bête dont le côté malsain, peut-être par ce nouvel aspect plus décharné, est encore plus palpable. Après une petite mise en bouche délicate au piano – The day the music died – c'est un Hellbats armé jusqu'aux dents qui vient démontrer, pour ceux qui devaient en douter encore, l'implacable férocité et la générosité sans bornes de compositions qui ne semblent perdre à aucun moment de leur force de frappe – et les samples utilisés avec parcimonie ajoutant encore au charme de morceaux qui vous avaient de toute façon déjà séduit plus frontalement; comme la lourdeur de ce riff de Kiss Your World Goobye qui renvoie directement au meilleur de One Minute Suicide, le titre... Et quand Eliebats vient poser son Goodbyyyyyyye d'outre-tombe sur ce morceau, il devient bien difficile de ne pas ressentir des frissons vous parcourir l'échine, tant il est tout bonnement impossible de ne pas reconnaître que les mecs y mettent vraiment tout ce qu'ils ont dans les tripes. Parce que les Hellbats, c'est aussi et surtout une question de sincérité et de générosité débordantes. Et presque au delà des différentes variations purement musicales qui ont émaillé l'histoire du groupe, c'est là ce que me touche en premier chez les Hellbats, ce que je ressens avant de me poser une quelconque question d'étiquetage; heavy rock, horror rock, rockab', l'un ou l'autre, ou dans quel proportion se fait le mélange... Non. C'est cette sincérité et cette âme dans les propos et les actes. Et quand en plus derrière, ça tabasse comme ça tabasse, on ne peut que se dire que si leur amour ne nous sera pas offert pour rien, la petite dizaine d'euros qui vous sépare de l'acquisition de cet objet à l'artwork et à la présentation superbe (vinyle rouge translucide tacheté) ne sont que bien peu de choses à côté de la passion et de la flamme incandescentes qui habite ce groupe. Je parlais de disque charnière dans le début de cette chronique, on ne peut qu'être encore plus impatient de découvrir dans de futures productions le nouveau terrain de jeu que Kiss your World Goodbye vient d'ouvrir. Ces quatre nouveaux titres tout comme la reprise très mid-tempo de Kiss the Viper qui clôture ce disque peut vraiment laisser présager du meilleur pour la suite, s'il n'était déjà présent ici!

http://www.hellbats.com/

samedi 6 novembre 2010

I HATE PEOPLE #5 OUT NOW

NOUVEAU FANZINE DISPONIBLE


64p. A4 avec retour sur les Big Boys et des interviews de John King, Boss Tuneage, Irradiates, Hellbats, Dead Pop Club et 13eme Note éditions.

Commande 5,50€ port compris ici:




Fanzine seul ou plus





mercredi 9 juin 2010

HUNTER S. THOMPSON – Journaliste et hors-la-loi


HUNTER S. THOMPSON – Journaliste et hors-la-loi
Biographie de William Mc Keen, 500p. Tristram


En exergue à un des chapitres qui composent ce bouquin, on peut y lire une citation de Miller, c'était en 1945: "J'ai le malheur d'avoir été nourri par les visions et les rêves des grands américains – les poètes et les voyants. Une autre race d'homme l'a emporté".
Voyant, Thompson l'était assurément. Quand à cette autre race d'hommes qui l'a emporté, Thompson n'a eu de cesse de lui rentrer dans le lard à chaque fois qu'il le pouvait. C'est l'un des principaux enseignements de cette biographie, où sous le couvert racoleur d'un sous-titre comprenant le putassier "hors-la loi", on a à faire au contraire à un homme finalement beaucoup plus moral qu'il n'y paraît, beaucoup plus en tout cas que le personnage caricatural qu'il a créé et qui s'est finalement refermé sur lui. Ce personnage, c'est le défoncé permanent, le Raoul Duke de Las Vegas Parano; le sujet principal de ses compte-rendus journalistiques en est l'auteur, plus que le sujet originel lui-même qui passe en second plan; une écriture journalistique du nom de Gonzo qu'il a inventée. Pas que Thompson était un saint, il dézinguait tout ce qu'il pouvait avec ses armes à feu dans son bunker à Aspen, il a sûrement du essayer tout ce qui se faisait comme dope au cours de sa vie, le tout mixé à des quantités océaniques d'alcool – un chapitre s'appellera d'ailleurs Un miracle génétique - mais il avait quelque chose qui l'animait plus que les autres... Il avait un vrai dégoût pour ce que les Etats-Unis était en train de devenir, une haine profonde pour Nixon, qui restera pour Thompson le même fils de pute une fois mort quand beaucoup retourneront leur veste et détestait de manière viscérale l'hypocrisie et la malhonnêteté qui régnait dans la vie politique américaine de l'époque, comme si ça pouvait avoir changé depuis. Je crois vraiment que nous nous dirigeons vers l'apocalypse – l'effondrement, la honte totale et l'impuissance du Rêve Américain, écrivait-il déjà en 1972.
William Greider qui a côtoyé Thompson disait de lui: Il fallait une sincérité délirante pour se comporter comme il le faisait, écrire comme il le faisait.
Parce que bien avant d'être le défoncé et halluciné célèbre que tout le monde s'arrachera, Thompson était un écrivain, un putain de vrai écrivain, qui avait trouvé sa voie (écrivez-le aussi voix), son ton, son style après de multiples impasses, de grand moments de doutes, de besogne et d'abnégation puisque c'est le mot. Le travail avant tout. Thompson était un bosseur furieux. C'est ce que ce livre raconte à merveille, les années de formation, de dèche ("j'ai vingt-sept ans, je suis marié, j'ai un fils, pas un sou, beaucoup de tickets du mont-de-piété, je lutte contre l'expulsion, etc. Je crois que vous avez déjà entendu cette histoire", écrivait-il sollicitant une bourse). Il dit aussi la façon dont il s'est retrouvé emprisonné à l'intérieur de ce personnage gonzo, les difficiles années 90 où ses papiers ressemblent plus à du radotage qu'autre chose, et son suicide – où en fauteuil roulant, Thompson se sentait trop frustré et incapable de rien pour pouvoir continuer. Il ne serait plus le gazier tutoyant Ali, fuyant Saïgon, assistant à un colloque sur la drogue plus défoncé que jamais.
William Mc Keen livre ici un bouquin passionnant, à la documentation fournie et étayée, sans jamais se faire happer par le personnage public que Thompson était devenu. Il nous fait au contraire approcher le Thompson privé, un gentleman, encore une fois beaucoup plus raffiné, sombre et lumineux que son image publique, sans toutefois parvenir à totalement éclairer le génie de cet illuminé là... Quels biographes des grands hommes le peuvent-ils de toute façon?



Il restera de Thompson ses livres, ses papiers journalistiques et ses lettres, et il est douloureux de constater à la lecture de cette biographie combien Thompson aura été peu traduit en français jusqu'à maintenant. Las Vegas Parano, Hell's Angels, The Rhum Diary et sa correspondance seulement. Une absence de traductions qui aura de quoi rendre circonspect le lecteur de ce livre au vu de toutes les perles totalement inconnues de ce côté-ci de l'Atlantique; la bonne nouvelle étant ceci dit que Tristram bosse sur un projet qui réunira l'ensemble (ou le meilleur) de ces inédits sous la forme de 4 tomes.
Mais s'il y a un truc qui me turlupine bien chez Thompson, c'est: est-ce que putain, si il devait débarquer maintenant, en 2010 ou 2011, est-ce qu'on le laisserait seulement parler? Est-ce que seulement 10% de ce qu'il a pu faire ou écrire sera publiable et faisable aujourd'hui sans que toute une bande de pisse-froids ténébreux et empoussiérés ne sortent de leur cabane pour jouer les donneurs de leçon, ces irréprochables bonimenteurs plus proches de la mouche à merde que de l'être humain? Je n'ai qu'une chaîne de télé chez moi, ça ne capte que ça, France 3, et donc dans l'émission de Taddéi à 23 heures en semaine, voilà le débat-bilan des années 2000-2010, toute une flopée d'invités, tout ce petit monde papote, mais aucun ne lâche le mot qui moi me semble résumer cette période, et c'est crispation... C'est à dire que je trouve quand même les choses comme sans cesse plus tendues, les gens souvent plus à cran, plus pressés, avec une sensation de restriction de libertés de plus en plus tenace, ténue... Il y a un climat plus lourd et je ne sais pas si l'arrivée d'un gazier comme Thompson au milieu de tout ce cirque détendrait un peu l'atmosphère, ni même si elle est tout bonnement possible... Imaginerait-on une seconde un Thompson local avec sa baignoire remplie de glaçons pour y rafraîchir des bières à l'arrière d'un bus qui suivrait la campagne de l'UMP pour la présidentielle de 2012, comme il l'a fait pour l'élection de Nixon dans les années 70? Et surtout quel magazine ou journal aurait les moyens financiers d'assumer les pitreries d'un tel énergumène aujourd'hui? Si je crains qu'il ne faille répondre à ces deux questions par la négative, elles n'en rendent pas moins la nécessité de voir réapparaître un gazier du même tonneau, forcément cramé pour foutre le feu à un monde à sang.
Comme n'importe quel mec avec suffisamment d'envergure, Thompson présente milles facettes différentes et c'est bien évidemment selon la sensibilité de chacun qu'on arrivera de toute façon à se reconnaître au moins dans l'une d'entre elles. Mais il y en une plus que toute qui doit le résumer, c'est celle de l'intégrité, de l'honnêteté.
Cité au tout début du bouquin, Absolutely Sweet Marie de Bob Dylan:
Pour vivre en dehors la loi, il faut être honnête.

mercredi 2 juin 2010

The Wildhearts – Chutzpah!


The Wildhearts – Chutzpah!
Cargo rds

Je suis régulièrement revenu dans les anciens numéros sur la carrière discographique des Wildhearts en insistant sur la qualité souvent en dents de scie des albums des anglais pour finalement arriver à dire que les deux ou trois dernières sorties semblaient s'être affranchies de cette règle et de pas mal de tares à son origine qui détruisaient le combo, dont les problèmes de drogue et les tensions à l'intérieur du groupe qu'ils généraient n'étaient pas les moindres. Il résultait donc logiquement de ces derniers disques une atmosphère positive qui prenait le pas sur les ambiances agressives ou hargneuses de pas mal de productions précédentes: un vent nouveau soufflait dans les voiles des Wildhearts dont on sentait un bien-être et un plaisir de vivre retrouvés, ce à quoi la paternité du maître à penser du groupe, Ginger, n'était sans doute pas étrangère. Pour autant, avec pas loin d'une dizaine d'albums dans la besace, on était comme prévenu que les suites logiques dans leur discographie n'était que pure fantasme. Ici, au contraire, la suite est logique, très logique, trop peut-être même. Les mecs sont à nouveau bien dans leur peau comme je l'ai dit et ont retrouvé du plaisir à jouer ensemble, mais les Wildhearts adeptes à tous égard du grand écart – tant à l'intérieur d'un morceau que d'un album à l'autre – tombent cette fois-ci dans l'excès inverse: celui de mecs à la limite du «trop à l'aise», cet état d'esprit du bienheureux qui papillonne autour de vous, toujours à la limite de vous casser les couilles avec son air béat, s'oublie et fait n'importe quoi. Ce qui nous donne un Chutzpah! - vieux terme hébraïque se référant à l'audace, au fait d'oser – où précisément les Wildhearts osent, quitte à presque se dénaturer eux-mêmes, balançant des morceaux types gros hard-rock FM à la limite de Bon Jovi, merde quoi! C'est le cas du single choisi pour cet album – the Only One – que je considère comme le morceau le plus indigeste de l'album, et il y en a quelques-uns comme ça, Plastic Jesus entre autres.
Je retrouve heureusement les Wildhearts que j'aime sur le reste de l'album, celui d'un croisement -parfois sans mélange! -pop et heavy rock, bubble-gum-power-pop vs metal, avec ses mélodies et ses lignes de chants généreuses et entêtantes, ses chœurs au poil, ses riffs de barbus et ses refrains de midinettes, et une batterie omniprésente au volume de jeu jamais encore entendu comme ça chez eux... Quelques tubes insurpassables dans cet album – the Jackson Whites en tête, You took the sunshine fron New York,Tim Smith, Chutzpah qui clôture l'album dans un final surgonflé de mélodies d'émotions typiquement Wildheartsiennes... Rien que pour ça cet album vaut le coup. Pour autant la riffothèque de Chutzpah! est sensiblement moins fournie que pas mal de vieux albums, disons qu'ici les anglais se sont surtout ingéniés à écrire des chansons d'une durée «normale» et à ne plus vraiment faire durer la chose au delà de quatre minutes trente, un parti pris dommageable qui les éloigne d'une de leur singularité, celle de la qualité que peuvent atteindre certaines pépites de huit ou neuf minutes, je pense notamment à Rooting for the bad guy. La production ultra-synthétique de Chutzpah – pour une fois j'adore ce genre de prod' - ne devrait pas détourner des Wildhearts les oreilles les plus sensibles qui viendraient s'y intéresser la première fois, quant aux autres, elles ne pourront que sourire de l'énième tour de passe-passe que leur offre cet album; un Wildhearts différent, un Wildhearts surprenant, un Wildhearts généreux, un Wildhearts déroutant parce qu'un nouveau Wildhearts, c'est à chaque fois un paquet cadeau dont on ne sait jamais à l'avance ce qu'il contiendra, ce sera du Wildhearts - mais lequel ? - c'est ce qui rend ce groupe si intéressant, si définitivement à part, si addictif, si unique. Chutzpah way of life!

jeudi 20 mai 2010

Jerry Stahl – Mémoires des ténèbres


Jerry Stahl – Mémoires des ténèbres
13ème note - 463 p.


«Le 31 mars 1989, je me suis retrouvé dans les confins stériles des toilettes de la maternité à Cedars-Sinaï en train de m'injecter une mégadose d'héroïne mexicaine tandis qu'à une dizaine de mètres de là, ma fille se frayait un chemin le long des parois utérines de ma femme hurlante
L'homme qui vous écrit ceci n'est pourtant pas encore au fond du trou. Bien avancé dans sa chute certes, mais là, il tient encore à peu près la route. Mémoires des ténèbres relate la descente aux enfers de Jerry Stahl, scénariste miteux pour Alf quand il ne pige pas pour écrire les commentaires de photos de magazines porno. La vie rêvée quoi. Sans auto-complaisance aucune, mais avec un humour au vitriol qui suinte souvent de situations désespérantes dans lesquelles se fourre Stahl ou desquelles il tente de s'extirper (outre les relations professionnelles réellement hilarantes), Mémoires des Ténèbres ne laisse pas passer une page sans que vienne effleurer la question la plus évidente qui soit: comment ce type a pu s'en sortir?... Et surtout pour un type qui s'en est sorti, combien y ont laissé leur peau? C'est surtout ça qui marque, tant la faune de fantômes amaigris et désincarnés croisée par Stahl ne semble pas avoir plus de chance que lui de passer à travers les mailles du filet tressée par la dope. Il raconte le délabrement physique, la vie Jekyll vs Hyde qui finit par pencher totalement du côté obscur, cette partie de la populace la plus tordue que son addiction l'amène à rencontrer - dealers comme toxicos, la douleur de son addiction physique et morale, les trous noirs, l'arrivée de sa fille pour laquelle il veut décrocher par dessus-tout, les espoirs puis les rechutes en désintox' et l'espèce de miracle qui arrive lors d'une nuit des émeutes de LA qui le voit se faire sevrer sans vraiment le chercher...
Après ses dix années de défonce, Stahl dira de cette vie qu'elle a été passée à «réfuter le constat simple et agaçant que le fait d'être vivant signifie être conscient.» C'est dans ce sens qu'il n'hésite pas à employer le mot d'exorcisme pour qualifier ce livre, plutôt qu'œuvre de mémoire, et c'est effectivement ce qu'il est, cherchant à comprendre quels étaient les démons qu'ils essayait de faire taire avec la drogue, et comment il y est parvenu sans. L'écriture jouit d'une honnêteté, de tripes, et d'une âme même, à la hauteur de la tâche, détruisant sans fausse pudeur le glamour et la soi-disante coolitude de la défonce.
C'est comme ça qu'en toute fin de livre il dira: "Se shooter, c'est connaître une chaleur bienheureuse. Succès garanti. Mais le flash du papa... laisse tomber! Je n'ai jamais senti quelque chose d'aussi terrifiant! C'est d'une réalité telle que même le plaisir qu'on en prend te fend le cœur. Ce qui, à l'échelle universelle, fait une réelle différence entre l'amour de la drogue et celui de ta fille. L'héroïne peut te tuer, mais elle ne te fendra jamais le cœur. Pas comme un enfant.
Pas comme l'amour que tu peux porter à une enfant."

Sans aucun doute le bouquin le plus marquant et le plus convaincant sur la dope que j'ai jamais pu lire, le genre de livre qui me fait repenser immédiatement à la citation d'Hemigway selon laquelle certains hommes, la vie les brise et à l'endroit de la fracture, ils deviennent plus fort. Les autres, elle les tue. Stahl fait assurément partie des premiers.

mercredi 19 mai 2010

The HARD-ONS – Alfalfa Males Once Summer Is Done Conform or Die


HARD-ONS – Alfalfa Males Once Summer Is Done Conform or Die
Boss Tuneage Rds

Premier constat: les érections continuent de bander toujours aussi fort.
Deuxième constat: c'est toujours aussi bon de se les enfiler.
Troisième constat: Il n'y a qu'un seul et unique groupe comme ça.
Quatrième constat: Vite! retour au deuxième constat.
Balançant pour ce nouvel album un nom à rallonge assez mystérieux, les australiens les plus insaisissables du continent combleront une fois encore un panel de rockers extrêmement large avec ce cru 2010: en fait une espèce de synthèse en dix-neuf titres de leurs deux précédents opus enregistrés au cours d'une même session (mais sortis séparément) où les deux courants du combo se retrouvaient sur Most People are a waste of time pour la partie mélodique et sur Most People are nicer than us pour la partie heavy et braillarde. Là les deux genres se retrouvent sur la même galette à tel point qu'on se demande bien parfois si c'est le même groupe d'un titre à l'autre...
Ma préférence naturelle va du côté des titres pop, normal me direz-vous, c'est avec le fabuleux This Terrible Place que je les découvrais... Des morceaux d'une sensibilité folle qui (presque)jamais ne s'embarrassent d'intros, directement la ligne de chant, portée par des mélodies moelleuses et traînantes, la douceur de la voix empreinte d'une mélancolie légère témoigne d'une tendresse immense, souvent soutenue par des chœurs hyper inventifs et toujours nappés dans une émotion de douleur vaporeuse. Une vraie marque de fabrique qui les rend immédiatement craquant pour quiconque entend ces putains de Chansons une première fois, et j'insiste sur le terme de chansons... Un peu comme si les Smiths reprenaient les Ramones avec les guitares d'un Samiam sous Valium... Ici, comptez une demi-douzaine titres affichant cette beauté cotonneuse et fatale, dont le magistral Feisty qui ouvre cet album ou Aunty qui le clôture. Comme pour mieux encadrer, enfermer la folie du trio australien?
Le reste est en effet beaucoup plus heavy, beaucoup plus graisseux, braillard et poisseux, façon Motorhead rencontre Entombed remixé par Minor Threat eux-mêmes auparavant lobotomisés par Unsane!... C'est velu et bedonnant, tordu et grinçant, burné et hilarant, louche et inquiétant autant que crétin et festif... Bon dieu que c'est sale, mais bon Dieu que c'est bon, c'est bouillant, gueulard et souvent assez court, empli d'humour, de références, d'un esprit pour le moins atteint par moment, les titres des morceaux sont trouvés dans des sphères aux altitudes assez inatteignables pour le commun des mortels, jugez plûtôt: Keep talking, my eyes aren't completely glazed over, Tie ya mother down, Give me arse a haircut...
Ces mecs ne peuvent être que des musiciens incroyables pour donner à ce… Alfalfa Males Once Summer Is Done Conform or Die la variété et la puissance que je viens d'étaler plus haut... Les Hard-Ons sont tout simplement inclassables et brassent tout bonnement trop large pour être surpassés, sans parler qu'ils livrent par l'intermédiaire de Ray leur bassiste les pochettes d'albums les plus improbables de l'histoire du rock, ce depuis le début du groupe, ne le cherchez d'ailleurs pas autre part, le rock, le vrai, il est ici et seulement ici. Et putain, presque trente ans que ça dure!

jeudi 13 mai 2010

Flashfalcon – Voracious Appetite, Venomous Bite


Flashfalcon – Voracious Appetite, Venomous Bite
Nicotine Records


Ça fait quelques années maintenant que chaque nouvelle cargaison de mon zine revient sur les états de service de Flashfalcon et si je devais résumer l'affaire de façon saignante avec ce tout premier album ici (en cinq ans d'existence), ça serait de dire qu'ils sont passés du grade de sergent à celui de général, saut hiérarchique phénoménal sur l'échiquier du rock'n'roll que je n'imaginais pas possible concernant ces soldats simplement appliqués jusqu'alors – 2 démos cinq titres – mais manquant férocement d'audace pour aller détruire eux-mêmes des positions ennemies. L'évolution est extrêmement marquante de la part des lyonnais et laisse enfin apprécier à sa juste valeur leur terrain de jeu: un high power rock'n'roll juteux et velu aux croisement des frères d'armes Peter Pan Speed Rock et Turbonegro, Hellacopters et Dragons ou encore Nomads et Gluecifer... Les gros riffs voraces et jubilatoires cavalent à tout va sur une rythmique de mastodonte qui semble tout bonnement incapable de s'essouffler sur ces douze titres, le tout perforés de solos turgescents qui peuvent jaillir à tout moment, comme des érections soniques qui vous emmènent au bord de l'orgasme, un ensemble extrêmement bien en place exécuté avec une énergie punk contaminatrice: ah, putain, si c'est pas à ça qu'on reconnaît un bon disque! Il y a surtout ce truc chez Flashfalcon qu'on retrouve rarement mais qui sépare les galettes ultra-recommandées des autres: c'est cette sensation que le disque vous embarque du début à la fin sans vous relâcher (pensez à Motorhead ou Supersuckers ou Unsane dans un autre créneau): tout va simplement trop vite et est trop intense pour vous laisser le temps de reprendre votre souffle – auriez vous envie de sauter depuis votre Muscle Car filant à 200 km/h dans le désert d'Arizona? - et Dieu que cette sensation est bonnarde! Les Flashfacon savent ceci dit ralentir aux entournures (Last Rain) pour rappeler que rien de moins qu'American Heartbreak a son penchant de ce côté-ci de l'océan, une certaine idée du rock'n'roll mélodique qu'on retrouve tout le long de l'album notamment dans l'utilisation de chœurs généreux toujours bien placés et efficaces, chose que n'auraient pas reniés les Black Halos par exemple, prenant le relais du chant plutôt réussi sur la longueur de PacoBilly, dont la progression est là aussi marquante - dans la variété et la justesse, il est aussi moins «maniéré» par là-même beaucoup plus efficace- même si je reste réservé sur certains passages voix+basse seulement. Les lyonnais ont surtout su enfin s'offrir une production joufflue à la hauteur de leurs compositions: enregistré et mixé en France chez Johnny Cat aux Rock'on Studio d'Annecy et masterisé chez Glen Robinson à Montreal (Nashville Pussy, AC/DC, Ramones...), Voracious Appetite, Venomious Bite est une putain de franche réussite, bien au delà de mes attentes. Autant j'ai pu être critique sur leurs précédentes productions (dont on retrouve trois titres retravaillés et délicieusement méconnaissables dont le tubesque Eternal Lonesome Boy), autant désormais sentir le venin de la morsure Flashfalcon me monter au cerveau et me contrôler l'épine dorsale est la chose à la fois la plus brûlante, la plus électrisante et la plus douce qui soit. Propagez le virus.